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Nos données de santé sont t'elles protégées?

En tant que professionnel du soin, il me semble important d'informer sur les réformes numériques de santé en cours.

Suite à l’annonce du gouvernement de la centralisation de nos données de santé par le DMP ou « dossier médical partagé » hébergé par le « Health Data Hub », il est intéressant de regarder de près si ce dispositif sert bien les intérêts des citoyens et de la recherche française, comme annoncé, ou si d’autres enjeux cachés sont présents.

 

L’idée de centraliser nos données de santé peut sembler effectivement utile pour l’utilisateur, les différents partenaires de santé qui l’accompagnent, ou encore pour la recherche médicale.

 

Mais les données de santé étant aujourd’hui des enjeux stratégiques majeurs, on voit que bien au-delà de l’efficacité du système de soins français, les enjeux du « Health Data Hub » excitent fortement la convoitise de l’industrie pharmaceutique mais aussi des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), des assurances, des banques, et voire des directions des ressources humaines.

 

On peut donc se poser la question de la légitimité du choix du gouvernement d’héberger nos données de santé directement chez Microsoft. La loi américaine seule soumettant Microsoft, nos données pourraient fuir outre-atlantique sans même que nous, citoyens français, puissions y faire quoi que ce soit.

la CNIL a averti le gouvernement français du danger de ce choix [1], des sociétés d’hébergement françaises ont indiqué qu’elles n’avaient pas été sollicitées par un appel à projet en bonne et due forme. [2]

 

Les arguments pour persévérer dans l’état actuel de cette plateforme nationale est que les données sont « pseudonymisées » donc soi disant anonymes : une étude de l’université de Louvain et de l’Impérial Collège de Londres a montré que il suffisait d’accéder à trois variables pour ré-identifier 83 % des personnes.

 

Le chiffrage des données n’offre lui aussi aucune garantie de sécurité par rapport à Microsoft car cette entreprise ne se contente pas d’héberger les données, elle en assure l’analyse et le traitement et à donc accès aux clefs de déchiffrement comme l’a révélé l’analyse du Conseil d’État. [3]

 

On peut aussi s’étonner que l’architecte du « Health Data Hub » soit devenu fonctionnaire pour 2 ans avant de revenir à la direction de la société étasunienne Iqvia, plus gros marchand de données de santé du monde. Interrogés sur la notion de conflits d’intérêts évidents, ce dernier -coaché par une société spécialisé en com pour les besoins de l’interview- à répondu que tous les protocoles étaient réglementaires. Fin de la discussion. [4]

 

Persévérant dans le conflit d’intérêt, et passant une nouvelle fois outre l’avis de la CNIL, le gouvernement a profité du régime d’état d’urgence sanitaire en mai 2021 pour faire transférer les données du nouveau fichier relatif aux individus infectés par la Covid-19 à Microsoft sans le consentement des personnes concernées.

 

Suite à une accélération du processus de lancement de la plateforme « Health Data Hub » et du DMP en début d’année 2022 par Olivier Véran, on assiste soudain à une pause du projet. Une manière de sortir d’une gestion très discutable de ce projet à l’aube des élections présidentielles ?

Comment les conflits d’intérêts vont être gérés. Comment repartir sur de bonnes bases, alors que le projet a été directement conçu par des sociétés d’exploitation de données ?

 

Cette main mise systématique sur nos données et à l’image du nouveau modèle technologique de la gestion de la Big Data (données de masse) par les IA (intelligences artificielles). Bien que les métadonnées puissent effectivement faire avancer la recherche, on voit en pratique qu’elles sont avant tout exploitées commercialement et en vue de contrôle social. [5]

 

Si ce sujet de l’exploitation de nos données personnelles en vue du contrôle citoyen vous intéresse, vous pouvez aussi lire mon article à ce propos: https://www.naturasana.fr/blog-naturasana/94-surveillance-donnees

 

[1] https://www.cnil.fr/fr/la-plateforme-des-donnees-de-sante-health-data-hub

[2] https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/letat-choisit-microsoft-pour-les-donnees-de-sante-et-cree-la-polemique-1208376

[3] https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/health-data-hub-et-protection-de-donnees-personnelles-des-precautions-doivent-etre-prises-dans-l-attente-d-une-solution-perenne

[4] https://www.france.tv/france-2/cash-investigation/2450927-nos-donnees-personnelles-valent-de-l-or.html

[5] https://www.arte.tv/fr/videos/100750-000-A/disparaitre-sous-les-radars-des-algorithmes/